Harley-Davidson dépasse la simple notion de marque de motos. Symbole américain et héritage centenaire, elle captive plusieurs générations de passionnés. Mais derrière ses chromes se profile une crise majeure.
À la veille de l’assemblée générale du 14 mai, la société connaît une des tempêtes internes les plus sévères. Au programme : conflits d’actionnaires, démissions inattendues, lutte de succession et question essentielle sur l’avenir de Harley.
Un conseil d’administration en pleine tourmente
Démission choc de Jared Dourdeville
Le Milwaukee a vibré il y a quelques semaines lorsque Jared Dourdeville, membre influent du conseil, a quitté ses fonctions. Cette décision suit l’échec de la nomination de son candidat au poste de PDG.
Dourdeville déclenche alors une levée de boucliers parmi les actionnaires sous la forme d’une proxy fight inédite chez Harley-Davidson. Son but : évincer le PDG Jochen Zeitz ainsi que deux membres historiques du conseil, accusés de négliger les intérêts des actionnaires.
Son soutien provient notamment de H Partners Management, son fonds d’investissement, mais aussi de Purple Chip Capital et de représentants du conseil Harley-Davidson à la National Powersports Dealer Association.
Influence controversée des agences de recommandations
La bataille s’étend au-delà des initiés, mobilisant l’ensemble de l’écosystème financier. Deux agences majeures – Glass Lewis et Egan-Jones – appuient H Partners et demandent un renouvellement complet de la gouvernance.
À l’inverse, Institutional Shareholder Services Inc. (ISS), arbitre traditionnel de ces conflits, privilégie l’équipe actuelle. ISS souligne les bonnes performances récentes de Zeitz, résultat d’une stratégie efficace comparée à l’époque précédente ou aux concurrents.
La question demeure : à qui la confiance des actionnaires reviendra-t-elle ?
Harley-Davidson : un équilibre délicat entre héritage et transformation
Un PDG prêt à partir, une succession complexe
Jochen Zeitz, à la tête de l’entreprise depuis 2020, a annoncé son départ prévu pour fin 2024. Ce long délai devait permettre une transition fluide, mais la situation se complique.
Une recherche internationale n’a pas permis d’unanimité pour un successeur. Dourdeville interprète cet échec comme un signe de problème dans la gouvernance.
Pour les partisans de H Partners, seule une refonte complète du pilotage stratégique semble envisageable.
Démographie vieillissante et enjeux de renouvellement
La clientèle Harley-Davidson reste majoritairement masculine, âgée et fidèle, mais se réduit progressivement. Les jeunes générations montrent moins d’intérêt, malgré les valeurs rebelles et les moteurs V-twin emblématiques.
Ce défi générationnel soulève plusieurs questions :
- Comment attirer des profils plus jeunes, diversifiés et souvent urbains ?
- Faut-il modifier certains codes historiques de la marque ?
Débat sur le changement : entre nécessité et prudence
Arguments pour une remise à plat complète
- Manque de vision claire sur le futur produit
- Modèles considérés comme datés face à la concurrence européenne et japonaise
- Difficultés à s’implanter sur des segments légers ou électriques
- Tensions grandissantes avec le réseau de concessionnaires demandant plus de soutien et d’innovation
- Lenteur de la diversification face à la montée des véhicules électriques, scooters et usages partagés
Arguments pour le maintien de la direction actuelle
Les défenseurs de Zeitz rappellent que la rentabilité s’est améliorée par rapport à la décennie précédente. Les mesures prises comprennent :
- Recentrement de la gamme
- Baisse des coûts
- Investissements dans l’innovation
ISS note également la hausse des marges, une meilleure gestion des stocks et la résilience de la marque pendant la crise du Covid.
Malgré tout, la conjoncture économique mondiale reste fragile. Les défis structurels liés à l’image, au renouvellement de la clientèle et au réseau ne peuvent se résoudre rapidement.
Perspectives pour Harley-Davidson et ses investisseurs
Conséquences de la bataille actionnariale
Le conflit au sein de la gouvernance augmente l’instabilité. Ce type de lutte effraie souvent les marchés financiers. Depuis le début de l’affaire, le cours de l’action a déjà subi des fluctuations.
À court terme, la décision du 14 mai influencera fortement la confiance des investisseurs et la motivation des équipes internes. À long terme, le véritable défi reste l’adaptation de la marque, sans trahir son identité.
Transformation indispensable de la marque mythique
Les priorités identifiées incluent :
- Innovation dans l’offre avec des modèles plus électriques et légers, ainsi que des accessoires connectés
- Séduire de nouvelles clientèles tout en valorisant l’ADN historique
- Renforcement du partenariat avec les concessionnaires, pilier majeur du modèle Harley
Les actionnaires et le réseau semblent conscients que l’évolution est nécessaire. Toutefois, abandonner toute l’équipe en place risquerait la perte des forces qui ont construit la marque.
Notre point de vue : entre tradition et nouveauté, vers quelle stratégie avancer ?
Le dilemme reste complexe. La marque ne peut plus se contenter d’une offre inchangée. Mais une transformation brutale pourrait déstabiliser ses fans les plus fidèles.
Un dialogue transparent autour des choix stratégiques, la prise en compte des attentes des concessions et un leadership capable de rassembler les générations présentes et futures apparaissent indispensables.
Harley-Davidson doit probablement s’adapter tout en conservant ce supplément d’âme qui fait son identité unique.
Que choisir entre modernité et tradition chez Harley-Davidson ? Ce débat reste ouvert. Vos réflexions enrichissent ce questionnement.