Et si Ford préparait un “supercar” pour le sable, les pistes rapides et la caillasse, capable de jouer la gagne au Dakar tout en roulant légalement sur route ? C’est l’idée lancée par Jim Farley, avec une promesse alléchante : environ 1 000 ch (≈736 kW), une part d’électrification et un cerveau numérique. Ambitieux ?
Oui. Dans cet article, nous remettons les pièces du puzzle en place et voyons ce que Ford pourrait vraiment construire, les défis techniques à lever et à qui un tel engin s’adresserait.
Pourquoi ce projet a émergé chez Ford ?
Skunk Works et la piste comme laboratoire
Chez Ford, les projets spéciaux qui transforment la course en vitrines produit sont une vieille habitude. Du GT40 au Ford GT, de la Shelby Cobra au récent Mustang GTD, la marque a souvent fait de la piste un véritable laboratoire. Même logique côté tout‑terrain : Raptor R, trophy trucks, Supervan… à chaque fois, l’objectif est de créer un halo technique qui rejaillit sur l’image et parfois sur les modèles de série.
Les mots de Jim Farley et leur portée
Sur le podcast Hot Pursuit de Bloomberg, Jim Farley a évoqué un “supercar” pour le gravier, le sable rapide et la terre. Il parle d’environ 1 000 ch (≈736 kW), d’une machine partiellement électrifiée et “digitally enabled” qui pourrait « gagner le Dakar ». La barre est haute, mais l’intention est claire : conjuguer performance extrême, hybridation et électronique avancée pour le plus mythique des rallyes‑raids.
UTV grand public ou trophy‑truck ? Le vrai pari
Pourquoi l’option UTV séduit
Beaucoup ont imaginé un équivalent Blue Oval aux Can‑Am Maverick R, Polaris RZR Pro R ou Kawasaki Teryx H2. Un UTV, c’est léger, fun, véloce, avec un marché florissant. Côté perception, Ford pourrait y apposer son badge et viser la communauté powersports existante.
Sur le papier, c’est tentant pour occuper un segment en croissance.
Pourquoi l’ADN Ford penche vers un Raptor T1+
Pourtant, l’histoire de Ford plaide pour un engin type trophy‑truck, dans la lignée Raptor, plutôt qu’un UTV grand public. La marque vient de décrocher une 3e place au Dakar avec le Raptor T1+. C’est un signe fort : Ford sait jouer dans la catégorie reine du rallye‑raid.
Logiquement, s’il faut créer un halo product hybride de 1 000 ch (≈736 kW), la base la plus crédible reste un prototype façon T1+, adapté en vitrine client très exclusive.
Les défis techniques pour atteindre 1 000 ch (≈736 kW) en tout‑terrain
Groupe motopropulseur et gestion thermique
- Packaging : atteindre 1 000 ch (≈736 kW) via une hybridation nécessite un ensemble compact et optimisé.
- Refroidissement : le moteur thermique doit rester endurant et facile à refroidir sur le sable brûlant.
- Batteries : la présence d’un pack impose une gestion de la chaleur (échangeurs, flux d’air, isolation) pour préserver les cellules.
- Electronique : l’électrification apporte du couple instantané, de l’anti‑lag et une distribution de puissance plus homogène sur terrain cassant.
Châssis, débattement et durabilité
Un engin apte au Dakar subit des heures de chocs et de vibrations. Exigences principales :
- Légèreté sans sacrifier la rigidité ; points d’ancrage renforcés.
- Suspensions : grand débattement, ressorts et amortisseurs multi‑voies prêts à encaisser des atterrissages répétés.
- Protection : filtration de l’air, blindage du pack batterie et isolation des faisceaux électriques contre la poussière.
Homologation routière et électronique embarquée
Rendre un prototype Dakar‑capable street legal n’est pas trivial : éclairage, émissions, bruit et normes de sécurité sont à valider. La partie “digitally enabled” peut faire la différence :
- Modes de conduite adaptatifs (route / liaison / spéciale).
- Torque vectoring, télémétrie et mises à jour OTA.
- Aides à la conduite recalibrées pour le tout‑terrain.
- Un mode “liaison” qui réduit le bruit et la consommation entre deux spéciales, puis libère toute la puissance en off‑road.
Qui achètera ce monstre et à quel tarif ?
Positionnement à la manière des halo cars Ford (GT, GTD)
Si Ford livre un modèle client, il sera probablement rare et très cher, à l’image du Ford GT ou du Mustang GTD. On parle d’un positionnement hypercar tout‑terrain : liste d’attente, série limitée, sélection des acheteurs et accompagnement sur mesure. Le prix suivra cette logique, car le développement, l’hybridation et l’assemblage quasi artisanal ont un coût élevé.
UTV haut de gamme vs trophy‑truck : deux univers
Les UTV extrêmes sont ludiques et performants, mais leurs usages, coûts et image diffèrent d’un trophy‑truck hybride signé Ford. Ici, il est question de prestige, de technologie de course et d’une véritable vitrine d’ingénierie. Le client type cherche plus qu’un jouet : il veut un symbole, un outil de track‑day off‑road, un passeport pour les rallyes‑raids et une histoire à raconter.
Service, revente et communauté
La valeur d’un tel véhicule se joue aussi après l’achat : support en événements, assistance technique, pièces et upgrades, programmes client. Ford l’a démontré avec ses halo cars : l’écosystème compte autant que la fiche technique. Côté revente, un historique propre et des packages d’entretien peuvent sécuriser la cote ; c’est un cercle vertueux que la marque sait entretenir.
Que pourrait lancer Ford ?
Rien n’est confirmé. Mais en recoupant l’ADN de la marque, la performance au Dakar avec le Raptor T1+ et la vision de Jim Farley, la piste la plus crédible reste un trophy‑truck hybride, digitalisé, calibré pour gagner en spéciale et homologué pour la route. La version client serait ultra limitée, très onéreuse, et servirait de phare technologique pour l’ensemble de la gamme Raptor et au‑delà.
Un vœu de conducteur
Je n’appelle pas à multiplier les UTV : je souhaite un manifeste — un engin qui prouve que l’hybridation tient la route et le tout‑terrain, que le logiciel peut dompter la tôle ondulée et que la route n’empêche pas l’aventure. Si Ford appuie sur le bouton, je veux le volant. Et vous, vous prendriez la ligne de départ du Dakar… ou la route de la plage ? ✅
